lundi 30 mars 2009

III) Théories alliées à la Systémique (Hayek)

III-2-14) Friedrich Hayek 

Le Cercle de Vienne, déjà été cité dans cet essai, a été fréquenté par K. Popper mais également par F. Hayek et L. Von Bertalanffy jeunes pour en divorcer ensuite. Les trois autrichiens se connaissent bien et se sont rencontrés à plusieurs reprises notamment à Londres après avoir quitté Vienne. Selon Paul Lewis dans son papier -qui constitue une bonne introduction aux travaux de L. Von Bertalanffy- [LEWIS Paul, 2015], celui-ci a par exemple relu et commenté « L’ordre sensoriel : Une enquête sur les fondements de la psychologie théorique » de F. Hayek [HAYEK F. 1952] avant sa parution. F. Hayek a fait de même pour K. Popper pendant la guerre.

      a) Approche systémique, complexité….
Dans ce document « l'esprit humain est un vaste réseau de neurones interconnectés (...) ce que nous appelons « esprit ».» [LEWIS Paul, 2015, p 10], on a un exemple typique d'approche systémique en droite ligne des travaux du biologiste L. Von Bertalanffy. On retrouve ici le même refus que L. Von Bertalanffy d'avoir à choisir entre les deux approches mécaniste ou vitaliste pour choisir celle de systèmes complexes dynamiques présentant un caractère d'émergence. Autre exemple très marquant : « The Theory of Complex Phenomena » de F. Hayek où il fait référence directe à L. Von Bertalanffy dans une note et où l'ensemble de ce papier reprend les concepts de Systémique : complexité, émergence, équilibre dynamique, ordre spontané, niveaux d'organisation, et bien sûr la prudence et la démarche anti-réductionniste et anti-scientiste qui en découlent comme souvent mentionné dans cet essai avec Aristote et sa phronesis ou J.B. Vico. Dans ce débat il est à noter que F. Hayek dans «  L’ordre sensoriel... » paragraphe 8.41 va très loin avec une réflexion particulièrement remarquable : « … une habitude que les hommes ont acquise (…), d'assumer que chaque fois où nous observons un processus particulier et distinct, celui-ci doit être dû à la présence d'une substance particulière et distincte correspondante. ». Simone Weil dès 1937, dix ans avant, parlait ainsi « qu'on donne des majuscules à des mots vides de signification, pour peu que les circonstances y poussent, les hommes verseront des flots de sang, amoncelleront ruines sur ruines en répétant ces mots. ». Cette mauvaise habitude, comme le souligne F. Hayek montrant que le dualisme n'est qu'une forme de matérialisme où l'existence supposée d'une matière « supérieure » est inévitable. Cela explique pourquoi les vitalistes/idéalistes de la fin du XIX° siècle appréciaient autant le spiritisme... qui soutient qu'à la mort l'âme s'échappe de la bouche du mourant sous la forme d'une vapeur éthérée... l'âme devenant donc subitement matérielle... Ou encore comme mentionné en [IV-2], l'âme est la glande pinéale bien matérielle pour Descartes. Plus tard dans « Droit, Législation et Liberté » [HAYEK F. 1979, p 158-59], F. Hayek écrit « ...la prise en compte d'un ordre inexplicable par analogie avec un autre également inexpliqué, a été maintenant remplacée par la théorie des systèmes, développée originellement par encore un autre ami Viennois, Ludwing Von Bertalanffy, et ses nombreux successeurs. Cela a mis en exergue les concepts communs de ces divers ordres complexes qui sont aussi discutés par les théories de l'information et de la communication et de la sémiotique. ».

     b) Auto-organisation
Par ailleurs F. Hayek dans « The result of human action but not of human design » [HAYEK F. 1967, p 298] cité par Paul Lewis [LEWIS Paul 2015, p 23] aborde le parallèle avec la théorie de l'évolution vis à vis des institutions sociales, en particulier sur la question de l'apparition d'un ordre spontané (i.e. Auto-organisation). Cet ordre spontané peut apparaître y compris là où l'homme agit mais sans avoir l'intention d'organiser délibérément quelque chose (le design). C'est le cas d'une économie, au sien de laquelle les individus vont agir, travailler, créer, acheter ou vendre, sans que cette économie (dans son organisation ou ses comportements) soit le résultat d'une intention globale délibérée. F. Hayek cite alors L. Von Bertalanffy : « Ce qui est appelé structures sont aussi des processus lent de durée longue, les fonctions sont des processus rapides de durée courtes. Si nous disons qu'une fonction telle que la contraction d'un muscle est réalisée par une structure, cela signifie qu'un processus de vagues rapides et courtes est surimposé sur une vague longue en déplacement lent ». [VON BERTALANFFY L., 1952 dans « Problem of Life », p 134]. Cette citation lui permet de faire le rapprochement avec les organismes vivants (processus rapides) au sein d'une espèce et d'un environnement (processus lent) et également avec des acteurs économiques, tels que les individus, entreprises, etc... (processus rapide) dans l'économie de marché libre garantie par la Constitution d'un État de droit (processus lent). Ces processus vont donner lieu à une sélection -en l'occurrence naturelle- entre les acteurs économiques. Cette analyse rejoint la question de la Finalité versus Équifinalité abordé en (II-5-2) et en (V-13). C'est une question centrale posée à nouveau par la Systémique après avoir été niée pendant plusieurs siècles par le positivisme cartésien.

    c) Trois type de systèmes
F. Hayek apporte un éclairage précieux sur l'existence de trois types de systèmes :
  •  Systèmes entièrement naturels : êtres vivants par exemple, où on parle d'auto-équilibre dynamique ponctué, d'ergodicité ou d'équifinalité, terme préféré à celui de finalité (tel qu'employé par Aristote) trop connoté par des questions de religions. F. Hayek qualifie ces systèmes "naturels inintentionnels".
  •  Systèmes entièrement artificiels : voitures, avions, machines de toutes sortes, où on parle sans aucun risque d'incompréhension de finalité, puisque celle-ci a clairement été donnée par l'ingénieur. C'est  l'ingenium avec Vinci et Vico. F. Hayek qualifie ces systèmes "artificiels intentionnels".
  •  Systèmes artificiels mais inintentionnels tels que clairement explicités par F. Hayek : par exemple l'économie d'un pays, où il faut revenir aux termes systémiques d'auto-équilibre dynamique ponctué, d’auto-organisation et d'équifinalité, comme pour les systèmes naturels, bien qu'ils soient artificiels. Ce dernier type de système est un concept clé de F. Hayek.
On retrouve le concept clé proprement systémique d'éco-auto-ré-organisation tel que réinventé par E. Morin.... Ainsi F. Hayek continue en soulignant « les idées jumelles d'évolution et d'ordre spontané » [HAYEK F. 1967, p 299].

    d) La Rationalité limitée
F. Hayek a également repris le concept systémique de la Rationalité limitée d'H. Simon (Voir II-5-5-e) sous le terme de « l'ignorance », ainsi il écrit : « nous présumons bien plus de choses que nous ne pouvons en connaître au sens cartésien du terme » dans « Droit Législation et Liberté » [HAYEK F. 1980, p 14]. Il a largement développé cette thèse dans « La Présomption Fatale », [HAYEK F. 1988] entièrement axé sur ce sujet. A cet égard, F. Hayek cite souvent K.Popper pour reprendre son concept de scientificité par le fait qu'une théorie doit être réfutable pour être scientifique. C'est l'un de ses arguments principaux contre les « sciences » économiques car celles-ci ne sont pas réfutables, ne pouvant pas faire l'objet d'un test, ou d'une expérience : il est impossible de recréer l'économie mondiale de 1928 pour tester des scenarii sur la crise de 1929. Tout comme pour L. Von Mises, et K. Popper, l'étude de l'économie ne peut que porter sur le passé, pour tenter de comprendre ce qui s'est produit, tout comme le ferait un historien. Cela est faisable via une attitude scientifique, c'est-à-dire un état d'esprit, méthodique, sérieux, et ordonné, il est possible de faire même des simulations, autant d’éléments qui tendent à rapprocher tout cela d'une méthodologie dite « scientifique », comme le font la plupart des historiens modernes, mais sans jamais -par définition- pouvoir prétendre au statut de science. A ce propos, certains économistes croient, en testant dans leurs simulations sur ordinateurs divers scénarii, tester par là même l'économie du monde réel et donc soumettre à tests et éventuelles réfutations leurs théories économiques. Bien que cette approche ne soit pas sans intérêt comme déjà mentionné, car elle permet de soumettre à une toute première étape, c’est-à-dire un test de cohérence interne, la théorie/modèle. Il ne faut pas pour autant à partir de là croire que l’on a réalisé une expérimentation scientifique, c’est-à-dire un test dans/sur le monde réel, seule référence acceptable, ce serait confondre la réalité avec les simulations, éternel danger de la Systémique, comme le dit A. Korzybski :  « la carte n'est pas le territoire » !

     e) L'explication de principe : pour ne pas ignorer son ignorance
Sur ce point extrêmement important, F. Hayek apporte une idée clé, celle d' « explication de principe » en matière d'économie. Les sciences économiques ne peuvent que fournir des explications de principes aux phénomènes rencontrés dans le passé, après coup : la masse monétaire a cru trop rapidement..., les intérêts de la dette de l'état allemand ne pouvant plus être payée…., les ménages emprunteurs n'étant plus solvables…, etc. mais ne peuvent pas prédire un phénomène particulier précis du fait même qu'il ne s'agit pas d'une sciences, car non reproductible, non expérimentale et non testable et donc non réfutable au sens de K. Popper. Ainsi la chimie ou encore la physique ou les mathématiques peuvent -dans une certaine mesure !- prédire un résultat particulier (le produit d'une certaine réaction chimique), parce qu'elles sont des sciences véritables. Ainsi à ce sujet F. Hayek évoque dans son papier « La Théorie des Phénomènes Complexes » [HAYEK F., 1961] le fait que nous ignorons notre ignorance, démarche typiquement scientiste. Citation : « Comme l'a fait remarquer Popper et quelques autres, « plus notre savoir sur le monde sera étendu, et plus il sera profond, plus nous serons conscients de ce que nous ne savons pas, plus précise et nette sera la connaissance de notre ignorance » [K. Popper, “On the Sources of Knowledge and Ignorance”, in Proceedings of the British Academy, 46, 1960, p. 69. (Repris comme introduction, dans "Conjectures and Refutations", K.Popper, Londres, 1963, tr. fr. Payot, 1985. (N. d. T.)]. Or il est vrai que dans bien des domaines nous en avons appris assez pour savoir que nous ne pouvons pas savoir tout ce que nous aurions à savoir pour expliquer complètement les phénomènes. Ces limites peuvent ne pas être absolues. Bien que nous puissions ne jamais en savoir autant sur certains phénomènes complexes que sur des phénomènes simples, nous pouvons dépasser partiellement ces limites en favorisant délibérément une technique qui vise des objectifs plus modestes, à savoir l’explication non plus des événements singuliers mais seulement de l’apparition de certains patterns ou ordres. Il importe peu que nous nommions ce type d’explication « explications du principe » ou « prédictions structurales » (pattern predictions), ou encore « théories de haut niveau ». Une fois que l’on a explicitement reconnu que l’intelligence du mécanisme général qui produit les patterns d’un certain type n’est pas seulement un instrument pour faire des prédictions singulières, mais a en elle-même une grande importance, et qu’elle peut fournir d’irremplaçables guides pour l’action - voire parfois indiquer qu’aucune action n’est souhaitable -, on peut alors s’apercevoir du fait que cette connaissance limitée est de la plus grande valeur. ». Ici F. Hayek rejoint G. Bachelard avec sa « connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. » [BACHELARD, Gaston, 1934, p 16 tiré de « La Formation de l’Esprit Scientifique  », J. VRIN 1967], voir (III-2-7).

F. Hayek a développé de son côté un vocabulaire spécifique appliqué à l'économie, bien que les concepts soient les mêmes. A l'inverse il y a bien sûr toute une série de concepts travaillés par F. Hayek qui n'existe pas en Systémique, car en dehors de son propos. A titre d'exemple : démocratie, individualisme et libertés individuelles, égalité, justice commutative versus distributive, justice dite sociale, etc... qui nous emmènent très loin sur d'autres débats.

     f) Le danger de la personnification holiste
Enfin F. Hayek met en garde sur un danger, qui est un danger auquel une systémique dévoyée, caricaturée et surtout mal comprise peut conduire, c'est l'approche holiste, non dans la compréhension du fait qu'il existe des systèmes -dans ce cas elle est correcte car opposée au cartésianisme- mais plutôt dans le fait de plaquer sur un système (naturel ou artificiel in-intentionnel comme l'économie) un pilotage transcendant, « top-down » externe, dans une démarche qu'il qualifie de planiste, positiviste ou scientiste (et donc précisément cartésienne). Ce danger est détaillé tout au long de la « Route de la Servitude » [HAYEK F., 2010] et de « La Présomption Fatale » [HAYEK F. 1988]. Pour lui, il faut raisonner en partant des individus et non d’une quelconque entité supérieure supposée (ou inventée de toutes pièces). Il évoque alors le concept clé d’individualisme méthodologique qui « va donc de la partie (les individus) au tout (la société) et il se présente non comme une réflexion sur le supra-individuel (perspective holiste) mais comme un effort de recomposition de l'ordre social global à partir des relations inter-individuelles. » [FRANCATEL-PROST L. 2003, p 29]. Ce danger porte un nom : réification (prendre pour une chose ce qui ne l'est pas) ou pire encore personnification. Nous avons déjà vu cela avec le concept (erroné) d’émergence métaphysique en (II-5-1), sorte de caricature de celui d'émergence épistémologique que seul retient L. von Bertalanffy. Cette personnification revient à doter un système d'une personnalité, tout comme un être humain, alors qu'il n'en est rien, seuls un ou des individus existent réellement derrière cette personnification pour « tirer les ficelles ». Elle permet également de créer un absolu là il où il n'existe pas, le premier à avoir ainsi dénoncé ce type d'absolu, a été Spinoza, comme vu en (III-2-2) avec Le Bien et Le Mal en soi qui doivent être remplacés par le bon ou le mauvais pour soi. Lorsque l'on se met à parler du « Parti », du « Pays », de la « Nation », du « Peuple de Gauche » ou encore chez les mafieux de la « Famille », et autres cultes de la personnalité « Petit Père des Peuple », « Guide / Führer », « Grand Timonier » les voyants d'alertes doivent s'allumer d'urgence.... C'est alors la porte ouverte à tous les interventionnismes (sur les prix, les règlements, les lois, les médias, vies privées, libertés individuelles, etc...) fruit notamment de la méconnaissance du concept de la « Variété requise » de W. Ashby et de la Rationalité limitée d'H. Simon, loin de toute prudence et modestie aristotélo-vichienne. Toutes ces personnifications couplées avec ces cultes de la personnalité des dirigeants, voire de leur déification vont de pair avec la réduction des citoyens en fourmis ou robots auxquels on dénie toute intelligence. Ils sont alors comme le dit Marx lui-même « simples organes de travail » d’ouvriers moyens. [Marx, « Contribution... », Chap 1, p 19]. Cette mise en garde est clairement exprimée chez L. von Bertalanffy : «  La société humaine n’est pas une communauté de fourmis ou de termites, gouvernés par un instinct héréditaire et contrôlés par les lois d’un tout sur-ordonné ; elle est fondée sur les réalisations de l’individu, et est condamnée si l’individu est transformé en un simple rouage de la machine sociale. C’est, je le crois, le principe ultime qu’une théorie de l’organisation peut donner : non un manuel pour que des dictateurs d’une quelconque conviction puissent plus efficacement soumettre des êtres humains par l’application de Lois d’Airain, mais un avertissement du fait que le Léviathan de l’organisation ne saurait avaler l’individu sans sceller par là-même inévitablement son propre destin funeste. » [BERTALANFFY, L. von, « Théorie Générale des Systèmes » Ed Dunod, 1980, p 82]. C'est ce que F. Hayek nomme aussi l'atavisme, rejoignant ainsi K. Popper qui parle de tribalisme dans « La Société Ouverte et ses Ennemis » [POPPER, Karl, 1979] (voir tableau ci-dessous). On voit en effet resurgir des comportements tribaux où les individus s'en remettent au chef tribal, un sauveur, un Guide (Führer en allemand…) ou autre « Petit Père des peuple » et avec au bout une « Route de la Servitude » totalitaire assurée au service de certains individus. On note en passant que cette idée est exprimée également par L. Von Bertalanffy lui-même : « Une autre objection met en avant le danger que la théorie générale des systèmes puisse aboutir à des analogies dénuées de sens. Le danger existe, certes. Par exemple, c'est une idée répandue de considérer l'état ou la nation comme un organisme d'un niveau super-organisé. Une telle théorie constituerait cependant le fondement d'un état totalitaire dans lequel l'individu apparaîtrait comme une cellule insignifiante dans un organisme, un travailleur sans importance dans une ruche. » [Ibid, p. 34]. Elle est également grandement développée par K. Popper dans « La Société Ouverte et ses Ennemis ». On doit également rappeler la mise en garde de… Trotski comme Raymond Aron [ARON, Raymond, Introduction à la Philosophie Politique, p 175] l’explique : « Trotski a opposé à Lénine que la conception d'un parti de révolutionnaires professionnels, avec l’autorité absolue du comité central, comportait un risque extrême. Il a dit à Lénine : vous allez mettre le parti à la place du prolétariat, ensuite le comité central à la place du parti, et finalement le secrétaire général du comité central à la place du comité central, et vous aboutirez à la dictature d’un homme ».

On retrouve la même préoccupation chez Benjamin Constant : « Lorsqu’on établit que la souveraineté du peuple est illimitée, on crée et l'on jette au hasard dans la société humaine un degré de pouvoir trop grand par lui-même, et qui est un mal, en quelques mains qu'on le place. (...) L'erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes, vient de la manière dont se sont formées leurs idées en politique. Ils ont vu dans l'histoire un petit nombre d'hommes, ou même un seul, en possession d'un pouvoir immense qui faisait beaucoup de mal ; mais leur courroux s'est dirigé contre les possesseurs du pouvoir et non contre le pouvoir même. Au lieu de le détruire, ils n'ont songé qu'à le déplacer. C'était un fléau, ils l'ont considéré comme une conquête. Ils en ont doté la société entière. Il a passé forcément d'elle à la majorité, de la majorité entre les mains de quelques hommes, souvent dans une seule main : il a fait tout autant de mal qu'auparavant ; et les exemples, les objections, les arguments et les faits se sont multipliés contre toutes les institutions politiques. Dans une société fondée sur la souveraineté du peuple, il est certain qu'il n'appartient à aucun individu, à aucune classe, de soumettre le reste à sa volonté particulière ; mais il est faux que la société tout entière possède sur ses membres une souveraineté sans bornes.».[CONSTANT, Benjamin, « Principes de politique », 1872].

Le tableau ci-dessous résume les équivalences entre F. Hayek et Systémique :

Vocable F. Hayek Systémique Commentaire
Atavisme Cartésianisme... Raisonnement pré-moderne tendant à rejeter les phénomènes systémiques
Positivisme Positivisme Même concept
Scientisme Scientisme Même concept
Organisation Organisation Même concept
Environnement (dont économique) Environnement Même concept
Boucle de rétroaction des acteurs économiques Idem, Récursivité Même concept
Formalisation/ modèles. Méfiance sur les modèles économétriques Formalisation/ modèles Même concept, avec la même prudence et modestie à appliquer aux modèles qui ne sont pas la réalité et ne sont que des analogies (la carte n'est pas le territoire)
Complexité Complexité Même concept
Sélection / Concurrence Sélection / Concurrence Même concept
Les prix comme système d'information entre acteurs économiques Flux d'informations entre systèmes Même concept.
Les prix (et taux d'intérêts qui ne sont que les prix de l'argent) sont une information vitale échangée entre acteurs qui en ont besoin pour se diriger au sein de leur environnement économique. Idem Systémique avec les flux d'informations entre systèmes. Réguler les prix, c'est bloquer le système d'informations entre individus (alias sous-systèmes pour la Systémique).
Constitution d'un État Environnement d'un ou de N systèmes Pour F. Hayek, la Constitution doit pouvoir servir d'environnement stable et garanti aux individus (c'est l'état de Droit avec un petit "e" et un grand "d", la "Rule of Law" des anglais).
Catallaxie État d'équilibre Homéostasie/ Domaine de Stabilité/ Ergodicité/ Régulation/ Équifinalité Même concept. Pour F. Hayek c'est la coordination spontanée et in-intentionnelle des efforts des individus libres au sein d'une société libre, ouverte et élargie.

Concept clé chez Hayek, à juste titre...
Structure Structure Même concept, F. Hayek met l'accent sur les processus lents vs rapides
Niveaux Niveaux-Strates/ Niveaux Ordonnés/ Niveaux Hiérarchiques Même concept.
Mais détaillé plus précisément par la Systémique.
Non prévisibilité des interactions des acteurs économiques Variété requise Même concept. Va de pair avec la complexité. Voire (V-7) et (II-4-1 et II-4-2). C'est le reproche principal adressé par F. Hayek aux socialistes / planistes / dirigistes / scientistes.
Ignorance Rationalité Limitée d'H. Simon (Voir II-5-5) Même concept
Ordre spontané ou ordre auto-généré Émergence Même concept. Voir Catallaxie
Intentionnalité/ Finalité Intentionnalité/ Finalité Même concept. Voir Catallaxie
Auto-Organisation « Main invisible » Auto-Organisation Même concept. Voir Catallaxie
Cosmos Ordre/ Organisation endogène Même concept. Auto-organisation. Immanence. Pilotage interne au système.
Taxis Ordre/ Organisation exogène Même concept. Transcendance. Pilotage externe au système. Peut être une entreprise ou une famille ordonnée par un chef (dictateur) qui impose sa volonté. F. Hayek utilise aussi le terme de « constructivisme » (constructivisme social qui n'a rien à voir avec le constructivisme épistémologique !) route ouvertes vers la servitude...

Cela ne signifie pas, comme souligné par P. Lewis que Hayek ait pris notamment ces concepts d'émergence exclusivement de L. Von Bertalanffy, il s'est également inspiré des travaux du biologiste J. Woodger et du psychologue allemand W. Wundt, mais par contre la lecture de L. Von Bertalanffy a permis à F. Hayek « de raffiner et articuler sa compréhension de l'émergence d'une manière plus claire et sophistiquée » [LEWIS Paul 2015, p13 note 12].

SUITE du Blog : K. Popper et les « sciences » sociales

Benjamin de Mesnard
 Épistémologie Systémique Constructivisme 

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