mardi 2 septembre 2008

II) Présentation détaillée de la Systémique (1/8)

II-1) Un nouveau paradigme :

La définition d’une révolution scientifique c’est, d’après H. Kuhn en 1962, l’apparition de nouveaux concepts fondateurs (paradigmes) qui se transforment progressivement. Pour cela, il est nécessaire de dégager, dans un premier temps, sur quoi repose le paradigme précédent (pré - supposés et non - dits, les tirets sont volontaires) et quelles en sont les limites. Pour la Systémique cette phase s’est terminée dans les années 1920. La seconde étape, fruit d’une longue maturation et prise de conscience, sera naturellement de dégager, si cela est possible, le nouveau paradigme qui permettra d’opérer la synthèse et dont pourront découler les déductions qui s’imposent. Tout ce processus se déroule au milieu de crises, rejets, et négations de l’existant. Pour la Systémique, cette phase explosive est loin d’être terminée. Dans le cas présent, la première phase a été celle de la constatation des limites de l’approche analytique cartésienne dans les sciences. Les présupposés de cette approche sont :
  • Évidence parfaitement absolue d’une chose pour accepter de la reconnaître
  • Réductionnisme, c’est-à-dire séparation en éléments disjoints de la chose étudiée. Il s’agit de diviser les difficultés et les isoler en parcelles plus simples et plus petites pour les appréhender chacune séparément.
  • Addition simple de ces éléments “ de base ” ainsi découpés, permettant, sans problème majeur, d’expliquer la chose étudiée. Une causalité linéaire est donc sous-entendue pour pouvoir reconstituer le tout. Cela signifie que toutes les relations observées peuvent s’exprimer sous la forme d’équations simples linéaires du type : Y = AnXn + .... + A1X1 par exemple.
  • Être exhaustif, surtout aucun élément “ de base ” ne doit et ne peut être laissé de côté dans cette analyse/sommation.
Malheureusement, il existe de très nombreux cas où ces conditions ne sont pas remplies. Ces cas, ces “ ratées ” où la nature refuse de se plier à ces schémas par trop simplificateurs, forment précisément ce que l’on peut appeler des systèmes. Pour résumer, on pourrait conclure en disant que la procédure analytique cartésienne est seulement adaptée aux objets d’études simples avec  :
  • un nombre moyen ou faible d’éléments.
  • des éléments simples.
  • avec peu d’interactions ou interdépendances.
  • des interactions linéaires (de type Y = AX + B).
  • plus le nombre d’éléments grandi, plus ceux-ci doivent être simples ou identiques entre eux et avoir peu d’interactions.
  • le temps n’intervient pas, vision instantanée voire statique de la nature.
  • en bref, il s’agit de problèmes que les mathématiques ont répertoriés sous le nom de problèmes polynomiaux (ou P-Problèmes).
Tandis que pour la Systémique, on pourra s’attaquer à un objet que l’on qualifiera de complexe en opposition à l’objet seulement simple.

II-2) Description d’un système au sens de la Systémique
:

Un système est un ensemble complexe, formé de sous-ensembles (éventuellement de sous-systèmes) en interactions non linéaires dynamiques par le jeu d’un ensemble de relations lui donnant un caractère de totalité. Les interactions non linéaires s’expriment par des équations de degré supérieur à 1 (Y = AX + BX2+ CX3+…), trigonométriques, exponentielles ou logarithmiques, ou encore par un jeu d’équations différentielles. On peut admettre en première approche -mais avec toute la prudence nécessaire au demeurant comme on le verra ensuite- que ce système est organisé en fonction d’un but dans le cas de systèmes artificiels ou d’une finalité (téléologie) dans le cas de systèmes naturels. On pourra voir plus loin le débat sur les concepts de finalité déjà fort bien analysés par Aristote.
Un système est plus ou moins ouvert sur le monde extérieur désigné sous le nom d’environnement.
Un système est donc qualifié d’ouvert (sur son environnement) ou fermé.
Un système évolue dans le temps, convergent vers un état d’équilibre dynamique, au contraire divergent pour finir par exploser, ou bien oscillant entre plusieurs états d’équilibres dynamiques ponctués. On observe des phénomènes de transitions de phases, de temps de transmissions, de percolations, de propagations des éléments, inputs/outputs, ou informations entre systèmes ou à l’intérieur d’un même système.


II-2-1) Aspects structurels :
La structure d’un système peut comprendre : 
  • une frontière “ filtre ” des entrées et sorties ou limite plus floue,
  • des éléments dits de base ou des sous-systèmes, d’où l’apparition des concepts de récursivité et d’études récursives.
  • des réseaux de transport pour l’énergie ou la matière, ces réseaux sont eux-mêmes des sous-systèmes du système.
  • de même des réseaux d’informations, de communications, sous différentes formes : influx nerveux, circuits papier (courrier), électroniques ou informatiques, prix, ainsi que des processeurs d’informations, locaux ou centraux, centralisés ou décentralisés.
  • des réservoirs ou stocks pour l’énergie, la matière ou l’information

II-2-2) Aspects fonctionnels :

Fonctionnellement, on peut également trouver dans un système :
  • des flux, là encore d’énergie, matière ou information, qui transitent, soit à l’intérieur du système soit sous forme d’entrées et sorties par rapport à l’environnement (extérieur) du système. Ces flux sont essentiels car ce sont eux qui créent l’aspect « du tout supérieur aux parties » par leurs jeux d’inter-relations. Il est à noter que ces flux peuvent être des flux d’énergie faisant appel à la Thermodynamique ou des flux d’informations faisant appel à la Théorie de l’Information de Shannon qui s’appuie elle-même sur la Thermodynamique.
  • des centres de décisions, les modules de pilotages de l’Analyse Modulaire de Systèmes de J. Mélèse, appliquant un “ programme ” permettant au système la survie, c’est-à-dire de trouver un état localement stable, de moindre énergie.
  • des boucles de rétroactions (voir plus loin).
  • des délais, expression des réservoirs ou non, dits encore “ temps de réponse ” du (sous-) système
II-2-3) Aspects historiques :

Ce sont les aspects que le structuralisme avait négligés. Il s’agit de l’influence d’un temps orienté sur le système, de son évolution, de ses transitions de phases, d’équilibres ponctués, etc.… C’est sur ces aspects que les concepts d’émergence, d’auto-organisation et d’auto-évolution vont apparaître. C’est sur ce sujet que vont s’affronter les idées de finalité versus ergodicité ou équifinalité. Enfin, c’est toujours à ce propos que revient l’idée de projet, explicité par P. Valéry dans ses Cahiers, idée au cœur du Constructivisme épistémologique. La réintroduction de l’histoire en Systémique, prend en compte en effet non seulement le passé mais aussi le présent et le futur du système, et par la même le projet qu’il poursuit : sa téléonomie.Cette prise en compte du temps est l’un des aspects les plus forts de la Systémique par rapport aux approches platonicienne et positivistes, et est toujours aujourd’hui un critère déterminant de fracture dans tous les domaines on y reviendra.

SUITE du Blog : Les Concepts de Base 


Benjamin de Mesnard

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