samedi 11 octobre 2008

II) Présentation détaillée de la Systémique (6/8)

II-4-2) Organisation :

Il faut d’abord souligner combien le concept d’organisation a été flou dans le passé et, notamment, dans le langage commun. La Systémique parvient à une définition très précise avec reconversion de la finalité métaphysique sous la forme de l’ergodicité systémique.
Selon R.A. Ochard en 1972, l’organisation d’un système est donc la collection de toutes les propriétés qui déterminent le comportement d’un système. Par propriétés, on désigne tout ce qui a été dit plus haut, à savoir : interactions, flux, sous-systèmes composants, ergodicité, etc...
Plus précisément, dans l’organisation nous allons trouver les éléments suivants :

a) Structure :

Une structure, c’est la somme des éléments (ou des sous-systèmes) et de leurs interrelations.
Il ne faut pas confondre structure et organisation, une structure - dans la Systémique - fait partie d’une organisation et non l’inverse. Une structure est (relativement) stable. Voir le paragraphe II-2-1 pour une description plus fine de la structure. C’est un point essentiel de ce qui sépare structuralisme de la Systémique. Le structuralisme a - comme son nom l’indique - mis l’accent sur la structure en mettant de côté les aspects organisationnels plus larges et sans voir que la structure ne décrit pas la totalité de ce que l’on appelle un système en Systémique.

b) Niveaux - strates :

Comme déjà introduit en (II-3) avec la récursivité, on appelle niveau l’ensemble des sous-systèmes composants les systèmes. Pour un de ces sous-systèmes, on pourra à nouveau trouver un ensemble de sous-sous-systèmes le composant, ce qui constituera le niveau N-2 d’organisation de notre système de départ et ainsi de suite. A l’inverse, il est possible d’opérer vers le haut par le sur-système dans lequel se trouve le système. Enfin, il est noter qu’un sous-système peut être considéré comme de niveau N1 d’un certain point de vue et de niveau N2 d’un autre, formant un implexe en analogie avec la généalogie.
Deux cas se présentent : niveaux ordonnés ou niveaux hiérarchiques.

b-1) Niveaux Ordonnés :

C’est le cas le plus simple donné plus haut. Un système d’ordre N sera alors plus globalisant que celui d’ordre N-1 et le contiendra logiquement. Une remarque : le niveau N aura tendance à être plus “ macroscopique ” que le niveau N-1, c’est à dire moins précis localement mais aussi plus général. Ces niveaux sont donc articulés entre eux, emboîtés, sans que l’on puisse encore dire qu’un niveau est « supérieur » à l’autre ou bien pilote un autre « inférieur » (voir b-2 ci-dessous). Par contre il est possible d’identifier une structure, une organisation à travers des niveaux ordonnés.


b-2) Niveaux hiérarchiques :

Les niveaux dits hiérarchiques sont par nature ordonnés. Cependant les niveaux hiérarchiques ajoutent une idée d’emboîtement vertical, un niveau donné étant rattaché, et surtout piloté par le niveau hiérarchique supérieur. Un niveau hiérarchique supérieur pourra se superposer, piloter, un ou plusieurs niveaux inférieurs.
Au sujet de la hiérarchie des niveaux, un théorème capital a été démontré en 1931 par K. Gödel. Une structure de niveau N peut être plus forte (au sens mathématique) qu’une autre de niveau inférieur. Précisons : les sous-systèmes du système de niveau N sont des cas particuliers du système de celui-ci. On a besoin pour les situer, d’en connaître l’environnement constitué par définition, par le système lui-même. Cela revient à dire que le niveau N devient nécessaire à la saturation du niveau N-1. Ou encore, que les indécidables du niveau N-1 ne peuvent être résolus que par des moyens « plus forts » que ceux fournis par lui, et donc, qu’il faut recourir aux moyens du niveau N. Encore : les invariants (au sens de la théorie des groupes) du sous-système sont plus nombreux que ceux du système puisque qu’il est plus faible, certaines propriétés du système se transformant en variables exogènes pour le sous-système. Pour résoudre ces variables exogènes il faut construire ou découvrir le niveau N.
C’est sur ce concept de niveaux forts englobant des niveaux faibles du théorème de Gödel qu’a été révolutionné le caractère hiérarchique des niveaux. Avec Gödel, il ne s’agit pas en effet d’une simple analyse des organisations comme on peut les trouver dans tous les livres de sociologie des organisations, mais bien d’une découverte essentielle servant directement à la Systémique. Nous reviendrons en (III-1-2) sur Gödel et ses liens de fait avec la Systémique.
Enfin il faut se méfier d’une hiérarchisation un peu trop rapide des niveaux, par exemple en génétique les rôles respectifs de l’ADN et de l’ARN dans un noyau de cellule vivante ont été très vite hiérarchisés entre eux : l’ADN code, l’ARN sert de messager, or on s’est aperçu récemment que leurs rôles respectifs étaient beaucoup plus complexes que cela.

b-3) Niveaux en réseaux :

Ces différents « niveaux » d’organisation peuvent s’interconnecter aussi en réseaux, et non seulement, en s’empilant ou en s’imbriquant comme les poupées russes, généralisant ainsi les implexes. Des inter-relations croisées peuvent ainsi s’entrelacer et s’enchevêtrer mutuellement. Rendant extrêmement complexe naturellement la compréhension et l’étude de tels systèmes. Malheureusement, la plupart des systèmes naturels sont organisés ainsi, expliquant, par là même, les difficultés des sciences de la vie en général à avancer, voir même à se faire admettre au statut de science au même titre que les mathématiques. Sans aller jusqu’à la biochimie, la chimie offre de multiples exemples d’interactions chimiques croisées complexes, faisant échouer pendant longtemps toutes possibilités de maîtrise par l’homme de ces processus.

b-4) Niveaux multi-hiérarchiques :

Pour être complet il faut combiner les niveaux simplement hiérarchiques où chaque niveau N est coiffé par un seul niveau N+1, avec les niveaux en réseaux. Il est en effet possible (et courant dans la nature) de trouver qu’un niveau N peut être coiffé de plusieurs niveaux N+1 en inter-relations entre eux (eux mêmes en réseau). Ainsi par exemple, l’individu être humain (niveau N) sera coiffé de plusieurs niveaux supérieurs N+1 inter agissants les uns sur les autres (société, psychologie, culture, etc. …). Dans une grande entreprise, il est utile d’identifier au-delà de la hiérarchie officielle (l’organigramme officiel), les organigrammes officieux où l’on trouvera un second, troisième, etc.… réseaux d’influences hiérarchisés internes ou externes à l’entreprise.
Une application de l’identification de niveaux a été trouvée en sociologie par exemple par le pouvoir de « décision » que possède un niveau sur un autre, ou encore en gestion avec les modules de pilotage. Cette idée est même employée par comme définition par J. Eugène. Ce qui nous amène à la :

c) Coordination et Pilotage :

Il est en effet nécessaire pour qu’un système puisse « fonctionner » correctement, que tous les sous-systèmes qui le composent s’intègrent en un tout, agissent de concert, en bref, se coordonnent entre eux. Pour atteindre cette intégration, un chef d’orchestre peut être requis. Ce rôle ne peut être rempli que par le système lui-même, c’est-à-dire par le niveau N par rapport aux niveaux N-1. Le système doit alors être hiérarchisé et surtout organisé. Le niveau N doit être plus fort (au sens de Gödel) que le niveau N-1. Le niveau N doit présenter la Variété requise pour « gérer » le niveau N-1 comme l’a démontré R.W. Ashby et A. Kolmogorov (voir (II-4-1-e)). On peut alors voir apparaître un système spécialisé dans le pilotage des systèmes peuplant les niveaux inférieurs. Ce système présentant nécessairement un niveau de variété supérieur à ceux des systèmes qu’il pilote, cela signifie que ce système doit présenter un niveau de complexité supérieur. On voit apparaître trois conséquences :
  • On retrouve par une autre approche le théorème de Gödel, comme dit plus haut le système pilote doit être en effet plus fort que les systèmes pilotés.
  • Le système pilote présentant une complexité/variété encore plus grande que les systèmes pilotés par lui, aura lui-même besoin d’être piloté à son tour. Ceci explique l’apparition de couches successives au-dessus du système pilote précité, dans un emboîtement (voir enchevêtrement par inter-relations) toujours plus complexes et difficiles à comprendre. Ainsi par exemple, le cerveau humain forme un système extrêmement complexe « pilotant » l’organisme, ce système nécessitant des systèmes aux niveaux supérieurs -tels que systèmes sociaux, psychologiques, spirituels, etc.…- pour parvenir à fonctionner.
d) Variété versus spécialisation :

Comme vu plus haut, la variété d’un système est le nombre d’états (de configurations) possibles que peut prendre ce système. C’est l’inverse de la spécialisation d’un système. C’est cette variété qui va permettre au système de répondre plus souplement, plus richement, aux changements son environnement, en un mot de s’adapter à celui-ci.
Toute la théorie de la sélection de Darwin repose sur ces deux notions antagonistes. En effet, pour qu’un système vivant survive, c’est-à-dire reste dans son domaine d’ergodicité, il faut qu’il soit adapté à son environnement. Il devra présenter une palette de réponses, de comportements, de programmes, potentiels, en nombre suffisant (et donc une variété suffisante), pour pouvoir supporter les changements qui affectent son milieu. Par contre pour survivre d’une manière la plus optimum dans un environnement donné et suffisamment stable, un système devra se spécialiser –et par la même perdre de sa variété- risquant de ne pouvoir se réadapter en cas de changement de son environnement.

SUITE du Blog : Les propriétés d'un système

Benjamin de Mesnard

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